La défense pénale d’urgence, c’est quoi ?

Mal aimé et mal rétribué, l’avocat « Commis d’office » ou parfois simplement « Commis », ne
mérite pas sa mauvaise réputation.

Cœur vaillant, il intervient pour la défense de ceux et celles qui se retrouvent dans une
situation de privation de liberté souvent délicate.
Garde à vue, déferrement devant le procureur ou le juge des libertés et de la détention,
comparution immédiate, ou encore mise en examen devant le juge d’instruction sont autant de
moments de privation de liberté durant lesquels il vaut mieux avoir un avocat avec soi, qu’il
soit choisi ou commis.
L’intervention de la commission d’office est ainsi réduite à certaines situations prévues par les
textes de loi, et selon la formule consacrée : Si la personne n’a pas d’avocat, alors le Bâtonnier
lui en commet un d’office.
En réalité, la commission d’office correspond à la désignation d’un avocat par son Bâtonnier
ou, exceptionnellement, par le Président d’une juridiction.

Les domaines d’intervention de la commission d’office sont de plus en plus nombreux, allant
de la défense pénale d’urgence jusqu’à la désignation dans le cadre d’une demande d’aide
juridictionnelle.

La défense pénale d’urgence, c’est quoi ?

A l’origine, l’avocat commis d’office intervient pour rééquilibrer une procédure menée à
charge contre un justiciable, sans avocat.
Il contribue par son intervention au respect des droits de la défense, et constitue donc un
rouage essentiel de notre système judiciaire.
Les domaines privilégiés de la défense pénale d’urgence sont :

  • Les gardes-à-vues (mesures privatives de liberté décidée par un officier de police
    judiciaire en cas de raisons plausibles de penser qu’une personne a commis une
    infraction)
  • Les audiences de comparutions immédiates (procédure d’audience correctionnelle
    faisant en général directement suite à une garde-à-vue)
  • Les cours d’assises (la personne jugée pour un crime doit nécessairement être assistée
    d’un avocat)
  • Les interrogatoires de première comparution devant le juge d’instruction dans le cadre
    d’une ouverture d’information (l’instruction est une enquête confiée à un juge qui,
    lorsqu’il reçoit un individu pour la première fois, ne pourra lui poser des questions que
    s’il est assisté d’un avocat)
  • Les déferrements de mineurs devant le procureur de la république ou devant le juge
    des enfants (rappelons encore une fois que le code de justice des mineurs a imposé
    l’assistance d’un avocat à tous les stades de la procédure concernant un mineur)
  • Les audiences devant le juges des libertés et de la détention lorsqu’il statue notamment
    sur des réquisitions de placement en détention provisoire (autrement dit, lorsque le
    Procureur demande à ce que la personne aille en prison avant d’avoir été jugée).

Les nécessités de cette défense pénale d’urgence incombe au Bâtonnier, qui représente les
avocats d’un même Barreau. Celui-ci va donc mettre en œuvre au sein de son Barreau des
permanences afin de permettre de planifier l’intervention des avocats en fonction des besoins
des services de police et de justice.
La tâche n’est pas toujours aisée en particulier dans les Barreaux de petite taille, comme celui
de la Guyane, où les besoins des services de police et de justice sont toujours plus importants.

Ceci d’autant plus que la défense pénale d’urgence ne constitue pas l’unique domaine
d’intervention de l’avocat d’office.

Les autres domaines d’intervention de l’avocat commis d’office :

La commission d’office s’est étendue à d’autres domaines où la liberté peut être remise en
question.
Il en va ainsi notamment des étrangers en situation irrégulière sur le territoire, qui après leur
interpellation par les forces de l’ordre sont en général conduits au centre de rétention
administrative, où ils peuvent rester jusqu’à 90 jours.
L’étranger est conduit en rétention pour une durée de 5 jours sur décision du Préfet du
Département. Elle est ensuite prolongée par le Juge des Libertés et de la détention qui joue un
rôle crucial en cette matière. Lorsque l’étranger est convoqué devant ce Juge, il doit être
assisté d’un avocat, si besoin commis d’office.

Il en va de même pour les personnes faisant l’objet d’une hospitalisation sous contrainte,
laquelle fait l’objet d’un contrôle par le même Juge des Libertés et de la détention lorsqu’elle
doit être prolongée au-delà de 12 jours. Là-encore, la loi prévoit que le malade doit être
assisté d’un avocat, si besoin commis d’office, lors de sa comparution devant le Juge.
Les victimes de violences conjugales peuvent également bénéficier de l’assistance d’un
avocat commis d’office
, dans le cadre notamment des procédures d’ordonnance de protection,
laquelle permet de solliciter en urgence du juge aux affaires familiales qu’il interdise au
conjoint violent l’accès au domicile conjugal.
L’intervention de l’avocat commis d’office ne s’arrête pas là, puisque les justiciables qui
forment chaque jour des demandes d’aide juridictionnelles afin de bénéficier de l’assistance
d’un avocat dans le cadre d’une procédure judiciaire peuvent demander à ce qu’un avocat leur
soit désigné. Là-encore, le Bâtonnier désignera alors un avocat de son Barreau afin d’assister
le justiciable.

La rémunération de l’avocat commis d’office :


Et non, l’avocat commis d’office n’est pas gratuit !
Sa rétribution est forfaitaire, fixée par décret (notamment le Décret n° 2021-810 du 24 juin
2021 portant diverses dispositions en matière d’aide juridictionnelle et d’aide à l’intervention
de l’avocat dans les procédures non juridictionnelles) et en général bien en deçà de ce que
facturerait un  « ténor » du barreau.

Le gouvernement a souhaité mettre un œuvre un dispositif nommé « AJ-GARANTIE » pour
sécuriser la rémunération de l’avocat commis d’office y compris même lorsque la personne
assistée aurait en réalité les moyens de payer des honoraires.
Car en effet, l’assistance de l’avocat commis d’office est soumise à un plafond de ressources,
celui de l’aide juridictionnelle totale (actuellement fixé à 11.580 € par an, voir
https://www.service-public.fr/particuliers/vosdroits/F18074.

L’avocat commis d’office peut donc facturer son intervention au justiciable dont les revenus
dépasseraient les seuils définis pour l’aide juridictionnelle.
Cependant, le législateur a créé un dispositif garantissant à l’avocat commis d’office, dans des
domaines précis, l’assurance qu’il percevra a minima les rétributions prévues en matière
d’aide juridictionnelle. Evidemment, en contrepartie, l’Etat se charge de récupérer les sommes
versées à l’avocat au justiciable qui aurait indûment bénéficié des services de ce dernier.
Soit dit entre nous, l’avocat « commis d’office » travaille en général plus par passion que par
intérêt financier.


Son dévouement le caractérise.
Si le justiciable peut toujours choisir son propre avocat, l’avocat commis d’office peut
difficilement choisir ses clients. Seul un motif légitime lui permet de demander à son
Bâtonnier de l’excuser !


Sonia PALOU
Avocat
Membre du conseil de l’ordre